J'ai pensé Alter comme une forme d'expérience interactive entre le spectateur et les interprètes sur scène. Plusieurs scénarios sont possibles et chorégraphiés. Mais les spectateurs vont construire l'histoire, en faisant des choix. Le but d'Alter est d'alerter les spectateurs sur la responsabilité de leurs choix. De les pousser dans leurs retranchements. A une époque où tout le monde donne son opinion sur les réseaux sociaux pour clouer au pilori certaines personnes, il me paraissait utile voire indispensable de mettre en évidence, en direct, les conséquences que peut avoir ce tribunal numérique sur les gens. Les spectateurs peuvent avoir l'impression d'être les maîtres du jeu. Mais ce n'est pas toujours le cas. En effet, une machine lumineuse, qui est une allégorie du monde numérique, occupant le milieu de la scène, régit tout ce qui se passe dans la salle. Quand la machine le veut, le spectateur doit consulter l'application Alter et faire un choix. Des choix qui deviennent au gré de la pièce de plus en plus éprouvants, durs, déconcertants : noter les deux interprètes sur une échelle de zéro à cinq, les unir, les monter l'un contre l'autre, les encenser ou encore les blesser. La machine est addictive, invasive, aliénante... et ce qu'on pense être le fruit d'un choix conscient est alors peut-être le résultat d'une influence inconsciente. Ici en effet, la machine tente d'orienter le choix du spectateur pour faire ressortir des comportements observés sur les réseaux sociaux. Finalement, qui sont les objets de l'expérience ? Les deux interprètes sur scène, ou bien les spectateurs eux-mêmes qui risquent de se surprendre en observant les conséquences parfois désastreuses de leurs choix ?